Trois associations s'unissent pour offrir du répit et des loisirs aux enfants autistes
Pour la première année, la Fondation des amis de l'atelier n'a pas fermé ses instituts médico-sociaux cet été. Les locaux sont mis à disposition du Relais Île-de-France et de l'association Tes vacances qui y organisent des accueils de jour et séjours.
Ici chaque enfant autiste bénéficie d'un animateur dédié qui le suit tout le temps du séjour.
© Emmanuelle Deleplace/Hospimedia
Comme la doctrine séjours et vacances adaptés l'y encourageait (lire notre article), la Fondation des amis de l'atelier* a ouvert ses instituts médico-éducatifs (IME) de Roissy - en-Brie et Torcy en Seine-et-Marne pendant la pause estivale pour y proposer des loisirs adaptés. Sur place avec des animateurs formés à l'autisme, les associations Tes vacances et Le Relais Île-de-France accueillent des enfants autistes profonds qui trouveraient difficilement leur place dans les accueils de loisirs ou les centres de vacances traditionnels.
Un temps d'accueil au centre de loisirs est installé à l'IME de Torcy. (Emmanuelle Deleplace / Hospimedia)
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Chaque enfant retrouve son référent.
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Un vrai répit pour les familles
Anissa El Amri, mère de deux enfants autistes, Adil (10 ans) et Gibril (5 ans), profite enfin d'un peu de répit. "Gibril qui souffre d'une forme plus légère de la maladie est resté avec moi, mais Adil enchaîne, après sa première semaine en centre aéré, quinze jours de centre de vacances. Même si ça se passe dans les locaux de l'IME qui l'accueille habituellement, l'équipe, le rythme est différent. Il sort tous les jours, il fait plein d'activités que je n'aurais jamais eu la possibilité défaire avec deux enfants autistes. On s'appelle en visio tous les jours, je vois qu'il se sent bien. Cette solution fait un bien fou à toute la famille après les deux mois et demi de confinement que nous avons vécus en appartement", explique sa mère.
Aujourd'hui, sortie au zoo du bois Atilly pour Adil et ses camarades.
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Une solution quasi providentielle pour Anissa El Amri qui ne cache pas son épuisement. "Avec un enfant si différent, les vacances c'est toujours un moment douloureux, explique-t-elle pudiquement. Depuis trois ans, Adil faisait des séjours avec Tes vacances. Vu le taux d'encadrement (1 pour 1), les séjours sont chers et il faut monter des dossiers complexes pour obtenir des aides financières. Cette année, il y avait trop d'incertitudes pour se lancer dans de telles démarches." Ici pour les trois semaines, Anissa El Amri paie une participation symbolique en fonction de son quotient familial. Pour financer cette opération inédite, les trois associations ont en effet répondu à un appel à projets de la Fondation Hôpitaux de Paris-Hôpitaux de France. Cette dernière a débloqué une enveloppe de 96 000 euros permettant de financer l'essentiel des salaires, du matériel d'animation et des activités, les locaux et les véhicules étant prêtés par la Fondation des amis de l'atelier.
Les animateurs prennent énormément de photos qu'ils envoient aux parents. Une association.
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Une association loisirs spécialisés-médico-social
La cheville ouvrière de ce projet, c'est Riad Khalout, responsable du pôle enfance de la fondation en Seine-et-Marne qui a occupé, il y a quelques années, des fonctions de direction au sein de l'association Le Relais. Cette association spécialisée dans le répit et l'accueil de loisirs pour les autistes, mise en lumière dans le film Hors Normes, a la particularité de former des jeunes de banlieue à ces prises en charge spécifiques. C'est d'ailleurs avec le fondateur du Relais, Daoud Tatou, que Riad Khalout a créé Tes vacances, en 2014, pour proposer des séjours aux enfants autistes. C'est également lui qui assure les deux jours de formation à l'autisme des animateurs prêts à se lancer dans l'aventure pour les deux associations.
Ryad (au centre) et Iliès Khalout, directeur du centre de vacances de Roissy, font le point avec Sawsen Rouabehi,
la nouvelle infirmière sur la situation médicale de certains enfants.
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Salariée du Relais, Soumaya Beltoui est la directrice de l'accueil de loisirs sans hébergement de Torcy. Elle a grandi avec Le Relais où elle a commencé ses premières prises en charge dans le cadre de son brevet d'aptitude aux fonctions d'animateur (Bafa) à 16 ans. Aujourd'hui âgée de 22 ans, avec son bac services à la personne, un brevet d'aptitude aux fonctions de directeur (BAFD) et les nombreuses formations spécifiques à l’autisme qu’elle a suivies, elle encadre à l'année des groupes d'adultes autistes et a joué son propre rôle dans Hors Normes. À Torcy, en externat, comme à Roissy en internat, chaque animateur est référent pour un enfant. À ce personnel s'ajoutent les directeurs et, en internat, une infirmière.
À Torcy, Soumaya Beltoui, au premier plan, accompagne son équipe dans les premiers déplacements.
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Naissance de vocations
Les jeunes animateurs sont pour la plupart "tombés dans l'autisme" par hasard, mais ceux qui reviennent, et ils sont nombreux, apprécient le travail auprès de ces jeunes. Certains y ont même trouvé une vocation professionnelle. Depuis qu'elle a commencé à accompagner de jeunes autistes il y a un an, Mariama Issilame a démarré un brevet professionnel de la jeunesse, de l'éducation populaire et du sport (BPJEPS ) et a choisi de réaliser ses stages à l'IME de Torcy. Elle espère bien par la suite poursuivre en alternance une formation de moniteur-éducateur.
Wided Boujattouy s'est découvert une capacité d'écoute auprès de ces enfants toujours à fleur de peau.
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Sa licence de comptabilité en poche, Wided Boujattouy réfléchit très sérieusement à une reconversion dans le social. Un changement de cap radical pour cette jeune femme, vendeuse dans une parfumerie pour financer ses études. " J'ai accompagné un week-end Tes vacances il y a un an, puis j'ai recommencé en mars à la veille du confinement et nous sommes restés coincés tout le confinement, 5 jeunes handicapés de l'aide sociale à l'enfance (Ase) et 5 animateurs, dans un gîte paumé dans la campagne à Grenois dans la Nièvre. Au final, ça a été une très belle expérience. Ces jeunes autistes nous en apprennent aussi beaucoup sur nous-même", ajoute-t-elle.
Des vraies vacances
Du 25 juillet au 23 août, une vingtaine de jeunes âgés de 6 à 12 ans, à raison de 10 par jour, seront accueillis en centre de loisirs sans hébergement à Torcy et une cinquantaine en colonie (18 enfants âgés de 7 à 20 ans dans le même séjour) pour des durées d'une semaine à un mois à Roissy-en-Brie.
À Roissy-en-Brie, le centre de vacances accueille de jeunes autistes, suivis ou non par l'une des trois associations partenaires, mais également des jeunes de la protection de l'enfance qui souffrent de troubles du comportement et ne peuvent intégrer les accueils de loisirs classiques. Certains jeunes cumulent les handicaps. Souffrant de traits autistiques, Lisa est sourde et vit à l'année dans un foyer de l'enfance. "On nous l'avait décrite comme un cas difficile justifiant la présence permanente de deux accompagnateurs à ses côtés, mais ici, elle est totalement apaisée", relève Riad Khalout.
En sortie à la base de loisirs de Vaires-Torcy, la jeune Lisa respire la joie de vivre.
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Avec une équipe bienveillante qui prend le soin de communiquer avec elle en langue des signes, la jeune fille semble vraiment profiter de ses vacances. "Même si les équipes comprennent des spécialistes du handicap, on n'est pas dans la même posture qu'en établissement. Nos directeurs, même s'ils sont professionnels médico-sociaux, sont titulaires d'un BAFD. Ici, on est dans le loisir, on n'a pas d'exigence d'apprentissage, ça engendre moins de troubles et de frustrations. Et comme on fait beaucoup d'activités, les enfants sont fatigués et dorment mieux", explique Riad Khalout.
Même avec un animateur par enfant, la tâche n'est pas simple pour les encadrants. "C'est une attention de tous les instants, explique Iliès Khalout, directeur du centre de Roissy fin juillet. Nous avons des jeunes qui s'automutilent, qui font des crises, qui ont des rapports particuliers avec la nourriture ou les selles". Impossible de les laisser sans surveillance un instant. Pour faire sa réunion d'équipe quotidienne, il est obligé d'attendre l'arrivée des veilleurs de nuit. Toutefois, le fonctionnement est bien rodé puisque Tes vacances a reproduit dans les locaux de l'IME une organisation déjà mise au point pour les séjours que l'association organise régulièrement à Calais (Pas-de-Calais) ou à Grenois.
"Avec cette nouvelle formule, nous retrouvons des enfants de l’IME et quelques habitués de nos séjours de vacances, mais nous touchons aussi un nouveau public et notamment des familles souvent complètement épuisées qui n'auraient jamais eu l'énergie d'engager les démarches fastidieuses pour obtenir les aides au paiement d'un séjour adapté", commente Riad Khalout. Si les trois partenaires ne semblent pas hostiles, au contraire, à la reproduction de l'opération, il faudra lui trouver un financement pérenne.
La Fondation des amis de l'atelier a également mis ses véhicules à disposition de l'opération.
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* La Fondation des amis de l'atelier gère 80 établissements et services dédiés au handicap en Île-de-France et Haute-Vienne.